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8 septembre 2009

Le lendemain, c’est samedi, jour de marché à

Le lendemain, c’est samedi, jour de marché à Riobamba. J’y descends donc et en profite pour passer un coup de fil à Leticia, une des filles avec qui je travaillais l’an dernier, et avec qui j’ai maintenu une correspondance plutôt bien suivie.

Je la retrouve à la Estación, la gare de Riobamba, d’où partent les trains pour le très touristique Nariz del Diablo, et où la municipalité a emménagé un endroit pour que les artisans de la ville puissent exposés leurs produits. C’est ici que nous vendions nos confitures l’année dernière, mais le stand a disparu, puisque les filles, à l’image de Letty, en avaient marre de se faire traitées de voleuses par les femmes de la communauté.

Letty travaille maintenant avec Don Claudio, un personnage assez pittoresque, joueur de rondador, la flûte de pan équatorienne, et artisan. Il fabrique toute sorte de choses en crin de cheval, et Letty l’assiste dans son travail.

Je retrouve donc d’abord Don Claudio et Letty nous rejoint peu après.

Ça fait plaisir de la revoir. Elle n’a pas tellement changée, elle porte toujours son Anako (la jupe « traditionnelle »), mais garde la Chalina (châle en laine) et le petit chapeau blanc cerclé de noir pour les fins de semaines ou elle va aider ses parents à la communauté.

Letty a la chance de pouvoir faire des études, aidée financièrement par une française passée par là et qui lui envoie des sous pour qu’elle puisse continuer d’étudier.

Je lui fais part de mon projet de chercher un stage pour le mois qu’il me reste avant de rentrer en France, et elle propose de me filer un coup de patte dans mes recherches.

Nous partons donc pour le Consejo provincial, équivalent de notre conseil régional, où elle connait quelqu’un qui serait susceptible de m’aider. Evidemment le type n’est pas dans son bureau, et nous devons courir dans toute la ville pour le retrouver.

Après une bonne discussion pour lui faire comprendre ce que je veux, le type me demande de revenir le lundi suivant, il en saura plus.

Le lundi matin, Letty vient cogner á ma porte pour descendre avec Pierrick á Riobamba. Arrivés en bas, nous appelons le type qui nous avait donné rendez vous ce matin a dix heures. Il nous répond qu’il est toujours chez lui et qu’il ne sera pas disponible avant 11h 30. Normal.

Nous partons donc pour le ministère de la culture en espérant plus de résultat. Ici tous les ministères ont une antenne dans chaque province pour appliquer la politique gouvernementale au niveau local.

Arrivés au ministère, il faut serrer toutes les mains, demander des nouvelles de la famille, avant de s’assoir et de rentrer dans le vif du sujet. Après avoir expliqué ma situation, on me demande de laisser mes coordonnées, « on vous rappellera », la formule m’a tout l’air d’être universelle. On nous conseil tout de même d’aller voir au « ministerio de inclusion economica y social » (MIES), ou nous aurons peut être plus de chance.

Le ministère, flambant neuf, ce trouve maintenant a l’autre bout de la ville. Don Claudio, qui nous accompagne souffre un peu et Letty n’en loupe pas une pour se payer la tête du viejito.

Arriver à destination, on entre dans un bureau, un peu au hasard, et exposons mon cas. On nous informe qu’il faut s’adresser au directeur du ministère. Il n’est évidemment pas présent et on nous invite á l’inauguration d’une fromagerie financée par le ministère, ou le directeur sera présent. On en profite pour inviter Don Claudio a joué du rondador.

On repart ensuite pour le centre ou nous appelons a nouveau le type que nous devions voir à dix heures. Il nous demande de venir le rejoindre au siège de la « Radiofonica », la station de radio mise en place par monseñor Proaño, l’évêque des pauvres, ayant beaucoup fait pour la cause indigène. La Radiofonica a élargie ces activités et mène maintenant des projets de développement dans différents domaines, toujours en rapport avec le monde indigène.

J’y rencontre Piedad, la coordinatrice des projets artistiques qui me dit qu’ils auraient besoin de quelqu’un pour faire leur comptabilité. Elle me demande si c’est dans mes compétences. Entrer des chiffres dans un logiciel c’est dans les compétences de n’importe qui.

Elle me dit aussi que si je préfère travailler dans d’autres projets, elle pourra m’y introduire. Je lui demande quelques jours pour réfléchir, et nous nous quittons là.

Le lendemain matin, lever à 6 heures pour choper le bus de 7 heures, arriver à 7h 30 à Riobamba où j’ai rendez vous à 8 heures avec Don Claudio et Letty. Je suis bon pour une bonne heure d’attente. Ici on a pas de montre mais on a le temps dis le dicton.

Don Claudio finit par arriver, seul. Letty avait rendez vous la veille avec son directeur de thèse (elle n’est pas encore en doctorat, mais ici il n’y a qu’un « modèle » de diplôme universitaire, en 5 ans dont la dernière année est consacrée à une thèse), mais il a du décaler le rencart au dernier moment et elle doit donc aller le voir ce matin.

Je pars donc avec Don Claudio pour Ceceles, une petite communauté qui a investi avec l’aide du MIES et d’autres bailleurs de fonds dans une fromagerie, permettant ainsi aux indigènes de transformer leur lait avant de le vendre au lieu de le vendre directement a des intermédiaires qui les bernent.

Après quelques heures de bus, nous arrivons à la communauté.

Monsieur le vice ministre de l’économie c’est déplacé. Le ministre lui-même devait venir mais il a eu un « empêchement de dernière minute » comme ils aiment dire. Coups de flemme oui.

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Enfin, ça montre bien que le gouvernement a une réelle préoccupation des communautés indigènes et de leur développement, contrairement aux gouvernements précédents.

En soutenant de tels projets, créateurs de richesses au niveau local, et pour ceux qui en ont le plus besoin, il montre également qu’il est déterminé à construire une économie sociale et solidaire, et que ce ne sont pas seulement des mots jetés en l’air, comme on entend souvent par chez nous maintenant que l’économie ultralibérale est devenue bonne à jeter.

Non, je ne fais pas de l’antifrancisme primaire, je suis juste content qu’il existe encore des politiciens qui respectent le mandat que leur a donner le peuple, c'est-à-dire les sortir de la merde, et peu importe si pour cela il faut cogner sur les sacro saints investisseurs, entrepreneurs et banquiers de toutes sortes. Ça fait peur hein ?

Revenons à nos moutons, après ce bref intermède passionné. Arrivé à Ceceles, je dois donc m’adresser au vice ministre. En effet, ici, c’est toujours à la plus haute autorité présente qu’il faut s’adresser pour obtenir quelque chose. Si le ministre avait été là, c’est lui que j’aurais été consulté, et si le président…

Je vais donc voir Tupac, comme il s’appel, je lui expose mon cas, il me demande mon nom et mes coordonnées qu’il va directement donner au directeur local du MIES, celui la même que j’avais essayé de rencontrer la veille au ministère. Asi es en Ecuador…

Ensuite on se tape deux bonnes heures de discours de chacune des autorités présentes, ensuite le speaker demande à l’assistance de ce lever et de chanter l’hymne national. A ce moment là, tout le monde ce découvre, met la main sur le cœur et ce met à chanter à plein poumon. Entre deux couplets, on entend le vendeur de glace : « helados, heladitos !! »

Ensuite c’est au tour de Don Claudio de faire le show au rondador.les gens en redemandent, il fait danser les autorités, sauf Tupac qui a une patte folle, c’est la gloire.

Ensuite, une fois que Don Claudio a vendu tous ces CD, il faut trouver un moyen de rentrer au bercail. Les bus sont rares par ici. On chope le gouverneur de la province sur le point de partir. Don Claudio enlève son chapeau et lui demande humblement si on peut monter. « Su excelencia » nous fait un signe de tête en direction de l’arrière du pick-up. On rentre donc sur Riobamba au frais du contribuable Chimborazeño, et on arrive à destination tout endoloris et couverts de poussière.

Aujourd’hui, mercredi 26 aout, c’est grâce mat’. Il faut laisser murir tout ça et aller voir les résultats demain. Je me lève donc vers 10 h 30, et part pour une ballade sur les hauteurs de San Francisco. Le fait est que l’an dernier, j’avais travaillé au balisage de cette ballade, et Pierrick me dit que de nombreux touristes ce perdent en chemin. Je suis donc intriguer et veut aller voir cela par moi-même.

En chemin, je croise un âne sur le sentier, qui cavale tout seul. 100 mètres plus loin, c’est le propriétaire que je croise, un pauvre papi tout essoufflé qui me fait : « esta coriendo mi burrito » avant de reprendre sa course.

Arrivé au sommet, je vois le sommet du Chimborazo dans une petite fenêtre ouvertes dans la masse nuageuse. A chaque fois, devant ce spectacle, c’est la même impression qui me submerge : ce volcan est tellement impressionnant, et on en est tellement proche ici, qu’à chaque fois qu’il daigne ce découvrir, on se sent un peu privilégié.

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Ce n’est pas étonnant que tant de légendes circulent à son sujet et que les gens d’ici le craignent tellement.

J’en ai appris une dernière, de légende, il n’y a pas longtemps : on raconte que les femmes qui dorment sur les flancs du volcan en tombent enceintes. Certains diront que c’est une bonne excuse pour que les filles puissent faire toutes les conneries du monde.

N’empêche, ici on ne rigole pas avec ça : Pierrick raconte qu’un jour une fille se pointe devant son père et lui dit qu’elle c’est fait mettre en cloque par Taita Chimborazo. Le daron ne la croit pas, lui en retourne une et la traite de tout les noms. Lorsque l’enfant nait, pourtant, le père s’excuse auprès de sa fille et lui dit qu’elle avait bien raison, c’est bien le volcan le papa.

Il faut dire que le Chimborazo à pour particularité de faire des enfants à la peau et aux cheveux blancs. Comme par hasard, les communautés les plus proches du volcan on un taux d’albinos bien plus élevé que dans le reste du pays. Quel cochon ce Chimborazo.

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Le plus drôle, dans ces légendes, c’est que les gens d’ici y croient fermement. Pierrick, encore lui, raconte qu’un jour, une française vient faire un volontariat. Elle se lie d’amitié avec Letty et toutes les deux partent se balader sur le volcan. Elles trainent un peu et se retrouve à la nuit tombées sur le volcan. Letty avait à l’époque 17 ou 18 ans, et la connaissant, ce n’est pas la fille stupide prête à croire n’importe quelle histoire de grand-mère. En plus Letty est évangéliste, et cette église encourage ces fidèles à renier toute culture indigène, donc toutes ces histoires douteuses.

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Pourtant quand la française propose à Letty de rester dormir au refuge, la Letty commence à paniquer, a perdre complètement les pédales. La française s’inquiète, lui demande ce qui ne va pas, et la Letty de lui répondre que si elle reste dormir sur le volcan, elle va tomber enceinte du Chimborazo.

En fin de compte, ces histoires sont tellement liées à l’endroit où elles prennent forme qu’elles deviennent vraies. J’imagine bien que les gens qui me lisent en France vont me prendre pour un doux dingue, mais pour les gens d’ici, c’est juste la réalité, alors pourquoi ne pas y croire ?

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L’exemple le plus illustratif de ce fait ce trouve peut être dans la médecine andine : ici lorsque vous souffrez d’une fièvre, ou d’un quelconque mal, on va vous soignez avec un cuy (cochon d’inde). Il suffit de passer le cuy sur le corps du malade jusqu'à ce que mort s’ensuive. Et vous voila guérit. Avant vous êtes malade, après vous ne l’êtes plus. Aucune explication rationnelle, mais ça marche, quelle preuve voulez vous de plus ?

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Aujourd’hui, jeudi 27 aout, je descends à Riobamba voir ce que ça donne au MIES, s’ils veulent bien de moi ou pas.

On me demande d’aller voir une dame à la direction financière, qui devrait avoir du travail pour moi. J’attends la bonne femme pendant une bonne heure. Ensuite elle me dit que le señor director lui a parlé de moi, elle a du travail pour moi. Les stagiaires, étudiant à Riobamba reprennent bientôt les cours, j’arrive donc au bon moment.

Le travail que l’on me propose consiste à la vérification du budget de projets financés par le MIES. Il y en a une trentaine, et il faut refaire tout les comptes pour vérifier si les entrepreneurs auxquels ont été confiés les projets ont bien dépensés les montants alloués.

Bon j’avoue que ça reste bien flou, j’y comprendrais mieux plus tard.

En rentrant, je me cale à l’angle d’où partent les voitures pour San Francisco. Il y a la un homme de la communauté que je croise à chaque fois que je descends à Riobamba. A chaque fois, il est rond comme une queue de pelle, mais aujourd’hui, il atteint le summum : le type est allongé sur le trottoir et il n’arrive même pas à ce lever. Il ce contente de grogner de propose que personne ne comprend. Quand une voiture arrive, son pote, pas beaucoup plus frais que lui, mais qui tient quand même sur ces deux jambes, le charge littéralement dans la voiture. Je suis obligé de venir lui filer un coup de main, et ce n’est pas évident, le raisin n’a pas l’air d’avoir très envie de faire un tour en voiture.

Le type est maintenant avachi sur la banquette arrière, il gémit et bave, et moi je n’ose même pas imaginer la gueule de son foie.

A la sortie de la ville, son collègue demande au chauffeur de s’arrêter dans une tienda, une épicerie. Il nous paie des empanadas et un jus de fruit, et lui s’offre un gros godet d’aguardiente avant de daigner repartir. Là, c’est sa femme que j’imagine, toute seule à la communauté à ce crever le cul pour nourrir les gosses pendant que son mec claque la thune en ville.

08 Aout:

Cela fait maintenant une semaine que je travaille au MIES, et tout s’éclairci peu à peu.

Tous les matins, c’est lever à 6 heures pour choper le bus de 7 heures qui me dépose à Riobamba une demi heure plus tard. J’ai donc une demi-heure à occuper avant d’aller au bureau. J’ai pris l’habitude de monter sur la loma de Quito, une petite colline dans le centre en haut de laquelle ce tient le parque la libertad. Là, certains matins, quand le temps est assez dégagé, j’ai une superbe vue sur tous les volcans entourant la ville, l’Altar, le Tungurahua, le Carihuairazu et évidemment, le big boss Chimborazo.

Lorsque je parviens à les voir tous, ce qui reste tout de même assez rare, cela me met de bonne humeur, malgré le réveil aux aurores.

Ensuite, je me dirige tranquillement vers le MIES. Je monte au premier et salue mes collègues en entrant dans le bureau. Les deux maitresses des lieux sont Luz Maria, chargée du budget, et indigène dans le sens où elle porte l’anaco, mais les indigènes eux-mêmes ne reconnaissent comme faisant partis des leurs seulement ceux qui vivent en communauté, ce qui n’est pas le cas de Luz Maria. Atteindre des responsabilités demande des sacrifices.

La deuxième patronne est Rita, chargée des finances, et sous les ordres de laquelle je travaille. Rita est tout un personnage : chaque matin, lorsqu’elle rentre dans le bureau, je manque d’éclater de rire devant l’extravagance de ces tenues vestimentaires. Le terme qui me vient à l’esprit quand je pense à elle, c’est « bourgeoise emperlousée ». Rien de méchant ici, tout juste un poil de moquerie, je vous l’accorde. Mais ces coiffures acrobatiques et son maquillage de maquerelle m’imposent cette image.

Mais ce qui fait tout le charme de la dame, c’est que quoi qu’il arrive, elle est toujours complètement larguée.

Il est vrai que le système informatique de ministère, et toute la bureaucratie qui l’accompagne n’ont rien de simple, mais il est toujours drôle de voir la directrice financière du ministère aller voir la secrétaire du directeur, ou le directeur des ressources humaines, en leur faisant d’un air implorant : « no sea malito, ayudame » (qui pourrait ce traduire par «  ne sois pas méchant, aide moi » en sachant que méchant ce dit malo, mais leur manie de mettre « ito, ita » à la fin de tout les mots, donne tout son charme à la phrase), en leur demandant de lui expliquer telle nouvelle directive, ou tel programme gouvernemental impossible à entrer dans le système.

La vie au bureau est tranquille. Rita essaie quand même de m’apprendre son boulot, c’est instructif à défaut d’être palpitant.

Régulièrement, on entend brailler « Luchito !!! » dans tout le bâtiment. Luchito c’est l’homme à tout faire de la maison, celui à qui on demande d’aller acheter telle ou telle bricole, et ça doit être celui qui bosse le plus dans la boite, mais surement pas celui qui est payer le plus. Je ne dis pas que les autres n’en glandent pas une, loin de là, mais entre les visites dans le bureau de la copine d’en face, les discussions au téléphone, et les séances photos du weekend dernier, on sait prendre son temps.

Ce qui est drôle aussi, c’est de voir l’image que ces fonctionnaires ont d’eux-mêmes : Luchito on l’appel Luchito parce que c’est le larbin, mais les autres, ils ce donnent mutuellement du « doctor » par ci, « ingeniera » par la, « arquitecto », « licenciado », bref, on rentabilise bien le titre chèrement acquis.

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Commentaires
R
Merci!<br /> <br /> je rentre la semaine prochaine, arrivée lundi 28 au soir je crois.<br /> <br /> A bientôt
V
sympa ton récit , ça change de la vie en france!!! sinon tu rentres quand? tu viens toujours à rennes? aller ciao mignon!
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